Richard Barbot, maître dans l’art du portrait

Ce n’est pas avec le portrait du célèbre
chanteur Harry Belafonte dévoilé à New-York le 1er mars que le peintre Richard
Barbot est entré dans la lumière. Le portrait de Sanite Bélair sur nos 10
gourdes, celui de sa majesté Mohammed VI roi du Maroc, de la chanteuse Lauryn
Hill sont parmi les highlihts de sa brillante carrière amorcée dans les années
80. Portrait d’un peintre de chez nous qui peint plusieurs grandes
personnalités de notre monde.

Une paire de ” blue jeans ” tâchée de peinture, un
t-shirt aussi banal que la paire de sandales qu’il chausse…Richard Barbot ne
s’habille pas ce jour-là à la dimension de sa renommée. L’on commente dans
notre tête : ” Trop de modestie dans le look pour quelqu’un qui fait le
portrait de si grandes personnalités. Des tubes de peinture éparpillés ça et
là, des pinceaux les uns plus longs que les autres disposés sur des étagère et
quelques tableaux mal rangés, donne à l’atelier un air de bazar pour artiste ou
fait penser à une de ces galleries d’art de Pétion-Ville. Du jazz se diffuse
subtilement dans l’espace, suscitant en nous une de ces envies de farniente
dans cette maison perchée dans les hauteurs du vieux Port-au-Prince. S’il
n’était pas peintre, le benjamin des 3 enfants Barbot serait probablement
architecte d’intérieur, consultant en feng-shui… De toute façon, son autre
métier aurait requis une âme d’artiste comme base. ” Contrairement à mes
aînés qui se sont dirigés vers la médecine, moi, j’ai opté pour l’art après le
bac “, confie l’homme qui a bouclé en 1986 un cursus en arts plastiques à
l’Université du Québec à Montréal. On ne va pas le taxer de ” musicien du
dimanche “, même s’il considère cette autre corde à son arc comme étant
moins importante en comparaison à la peinture. Il est quand même passé par la
guitare sèche et la flûte avant de devenir un bassiste assez sollicité sur le
marché haïtien. Quoique sa famille a longtemps connu l’exil au Canada à cause
de la dictature, Richard a toujours fait une place dans son cœur à notre pays
qu’il a laissé depuis sa plus tendre enfance. ” Menm si se yon alimèt ki
soti Ayiti yo pote nan kay la, m te toujou konsève li lwen pou m te ka rete an
kontak ak peyi m “, affirme-t-il. En plus de ça, dès 9 ans, il reçoit en
cadeau un livre baptisé ” Mon merveilleux musée “. Il va longtemps
lui servir de livre de chevet d’autant qu’il lui permet de découvrir
précocement le travail de grands maîtres comme Léonard de Vinci, Picasso… qu’il
idéalise. Dans le panthéon haïtien, il avoue avoir un faible pour
Jacques-Enguerrand Gourgue. Peu de temps après sa graduation, il regagne
l’alma-mater. Il enseigne à l’Enarts pendant plusieurs années. Il s’essaie aux
divers aspects de son art. ” Mes acquis académiques, témoigne-t-il, se
sont confrontés avec ce qui prévalait en Haïti à l’époque”. Reste que ses
portraits auront particulièrement contribué à conforter sa réputation
par-dessus tout. ” L’essence du portrait, ce n’est pas de restituer
fidèlement la morphologie du visage mais plutôt de capter l’expression, faire
ressortir le caractère du personnage “, explique le peintre. Quand il a
lui fallu en 2004, à la solde de la BRH dans le cadre du bicentenaire, dessiner
le portrait de Sanite Belair qu’on retrouve sur les billets de 10 gourdes, il a
dû effectuer beaucoup de recherches pour tenter d’être le plus authentique que
possible. ” Quand il s’agit, dit-il, d’un personnage qui a vécu à une
époque lointaine où la photographie n’existait pas encore, il convient non
seulement de faire des recherches pour trouver des descriptions physiques
dignes de foi mais aussi de faire ressortir l’essence de son être. Ensuite il
faut se mettre dans la peau du disparu dont on esquisse le portrait “.
Pour les personnes vivantes, c’est plus facile mais pas question non plus pour
lui de faire un copier-coller d’une photographie. Pour pouvoir produire,
Richard fait en sorte de ne pas avoir de rendez-vous afin de pouvoir mieux se
concentrer. Il lui faut de la musique, de la solitude. Il n’a pas une heure
fétiche. ” Je peux peindre à 2h du matin ou à midi. Parfois, je sirote une
boisson énergisante tandis que j’applique la peinture sur la toile “,
conte-il. Il n’aime pas trop les deadlines mais il sait s’y conformer. Le
plasticien a récolté durant sa longue carrière des prix dont le ” Premier
prix du concours du cercle des artistes peintres du Québec ” en 1985.
Diaspo-Art, la même année. Ses œuvres ont été exposées tant en Haïti, qu’à
Montréal ou á New-York. Il faut dire que New-York lui porte chance même s’il
n’y a jamais vécu longuement. Et pour cause c’est grâce à ses passages éclairs
dans cette ville qu’il a pu être repéré par ceux qui lui permettront de
travailler pour les grands de ce monde. Au début de l’année en cours les
proches de Harry Belafonte, virtuose du calypso, qui avaient déjà vu son
travail l’ont contacté pour qu’il fasse le portrait du chanteur qui a célébré
le premier mars 2018 ses 91 ans. Le tout-Manhattan mêlé au gratin d’Hollywood a
ovationné le dévoilement du tableau peint par Richard dans le cadre d’une
cérémonie grandiose organisée au City College center of the arts. La vedette
américaine a été très émue par cette surprise qui a été conçue en Haïti. ”
Cette expérience a prouvé que d’Haïti peut provenir de la qualité. J’ai été
quelque peu gêné par autant de sollicitude de la part des animateurs et du
public”, raconte notre compatriote. Mais son contact avec les grands de ce
monde ne date pas de 2018. En 2004 il lui a été demandé de faire le portrait de
sa majesté Mohammed VI, roi du Maroc. Si le tableau est parvenu au dignitaire,
Richard confesse qu’il ne s’est pas rendu en Afrique pour la livraison comme
c’était le cas pour Belafonte. En 1998, Malany Hill, le père de Lauryn Hill,
lui a demandé de faire le portrait de la chanteuse pour son anniversaire. C’est
à l’issue du concert mythique du groupe Fugees sur la place d’Italie, dans les
nineties, auquel il a pris part qu’il a rencontré le père de la chanteuse.
” Après lui avoir montré les photos de mes tableaux il organisé en mon
honneur, dans le New-Jersey, une exposition. Après cette activité, il m’a fait
part de son désir de gâter sa fille avec un tableau à son effigie “,
confesse notre interlocuteur. Il définit son art comme étant lyrique. ” Je
ne me confine pas à ce qui est à la mode. Je me libère du joug de vouloir plaire
ou choquer. Moi, je tiens compte de ce qui me traverse. Tout ce qui vient de
l’intérieur est authentique “, affirme-t-il. ” Quelqu’un,
ajoute-t-il, qui œuvre dans un secteur qu’il adore ne peut qu’être épanoui
”. Vu ses clients, il paraît vain de dire que dans son cas l’art nourrit
son homme. Son cours de dessin dispensé à la faculté des sciences une fois par
semaine ne lui permettrait pas par exemple de s’occuper de son fils unique
qu’il a eu de son premier mariage qui s’est ensuite périclité. ” L’enseignement,
dit-il, c’est pour transmettre ce qu’on a reçu en don “. Parmi ses anciens
élèves, on peut compter d’autres grosses pointures comme Thierry Barthold et
Philippe Attié. À présent, Richard met le cap sur une exposition à New York en
fin d’année. Il va donc se consacrer durant les mois à venir à préparer cette
grande collection.


Chancy Victorin , Le Nouvelliste 

PUBLIÉ 2018-03-14

lien : https://lenouvelliste.com/article/184603/richard-barbot-maitre-dans-lart-du-portrait


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